Affaire Péchier : la défense de l'anesthésiste trouve la procédure longue, le procureur parle d'un 25e empoisonnement

L'anesthésiste Frédéric Péchier, soupçonné de 24 empoisonnements dont 9 mortels, a tenté de se suicider jeudi 30 septembre. La faute à une procédure judiciaire trop lente selon sa défense. Le procureur de la République met en avant la complexité du dossier et l'attitude des avocats de Péchier.

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L'affaire Péchier, du nom de l'anesthésiste de Besançon Frédéric Péchier soupçonné de vingt-quatre empoisonnements dans le cadre de ses fonctions à la clinique Saint-Vincent de Besançon entre 2008 et 2017, a pris un tournant depuis la tentative de suicide du principal intéressé jeudi 30 septembre. Vers 22h, celui-ci, très fortement alcoolisé - il avait 2,60g d'alcool par litre de sang - s'est défenestré du premier étage du domicile de ses parents, qui résident dans la banlieue de Poitiers (Vienne). "Sa mère, l'ayant entendu crier, est entrée dans sa chambre et l'a vu sur le rebord de sa fenêtre. Il lui a dit «je n'en peux plus» et s'est laissé tomber en arrière dans le vide, a décrit le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux. Sa tête a heurté un dallage en béton." 

Je veux que cette vie s'arrête, je veux mourir innocent

Frédéric Péchier, dans une lettre écrite le 21 septembre.

Sa chute, d'une hauteur de 3 mètres 75 l'a gravement blessé : il souffre notamment de multiples fractures et d'un hématome sous-dural. Si son pronostic vital n'est plus engagé, l'évolution de son état de santé est difficile à cerner pour les médecins. D'éventuelles séquelles pourraient également empêcher son bon rétablissement. Une enquête, menée par le parquet de Poitiers, a été ouverte après cette tentative. La mère du blessé aurait remis aux enquêteurs un message écrit par son fils le 21 septembre : "je veux que cette vie s'arrête, je veux mourir innocent", s'était-il épanché. 

"Je ne dénis pas à la défense le droit de faire des recours mais elle est donc moins légitime pour se plaindre en disant que la procédure est longue"

Car depuis 30 mois, date à laquelle il a été mis une deuxième fois en examen, la vie du docteur Péchier a basculé. Son contrôle judiciaire lui interdit depuis plus de deux ans de retourner à Besançon et de vivre avec sa famille. Selon sa défense, la procédure judiciaire ne va pas assez vite et Frédéric Péchier pâtit de sa déchéance sociale. A bientôt 50 ans, celui-ci vit désormais chez ses parents dans la Vienne : "cet homme-là exerçait un métier qu’il adorait, gagnait très bien sa vie, avait une vie sociale, une vie de famille et une belle maison", comme le raconte son avocat, Me Randall Schwerdorffer. "Depuis 30 mois il n’a plus été interrogé par la justice. Tout ce qui rentre dans le dossier et qui lui est favorable, comme les dernières expertises psychiatriques, est traité comme si cela n’avait pas d’importance", estime son avocat qui veut faire modifier le contrôle judiciaire de son client. 

Une prise de parole, mardi 5 octobre, qui n'a pas été appréciée par l'accusation. "Je ne peux pas laisser dire ça", lui a répondu le procureur Etienne Manteaux lors d'une conférence ce mercredi 6 octobre au cours de laquelle il a tenu à rappeler les étapes de la procédure. S'il ne conteste pas ses longueurs dûes, selon lui "à la complexité de l'affaire", il a également mis en cause l'attitude de la défense qui a multiplié les recours. "Je ne dénis pas à la défense le droit de faire des recours mais elle est donc moins légitime pour se plaindre en disant que la procédure est longue", juge-t-il.

La contre-expertise, deux ans pour rien

Mais ce qui a également ralenti l'affaire, c'est le fiasco de la contre-expertise censée étudier les cas d'empoisonnement qui seraient liés au docteur Péchier. Pendant 22 mois, jusqu'en octobre 2020, un panel de médecins s'est penché sur la réalité scientifique de ces décès. Mais le rapport n'a pas plu aux magistrats de l'affaire qui l'ont estimé lacunaire, bâclée et donc inexploitable. "Les contre-experts ont paraphrasé les premiers experts alors qu'un réexamen complet leur avait été demandé. Ils n'ont pas pu ou pas voulu prendre le temps pour faire ce travail", a expliqué le procureur qui estime qu'avec le Covid, il était difficile pour les spécialistes de mener de front la lutte contre l'épidémie et ce travail d'enquête. En décembre 2020, après deux mois de galère pour trouver de nouveaux experts, les magistrats ont finalement réussi à mettre au travail de nouveaux spécialistes. Mais ils ne rendront pas leurs conclusions "avant la mi-2022", selon le procureur. 

La défense de Frédéric Péchier estime que de nouvelles expertises ont été demandées car les conclusions de la première ne plaisaient pas à l'accusation. "Dans leur rapport, les experts ont dit qu'ils n'étaient pas possible de savoir s'il s'agissait d'empoisonnements et qu'il était susceptible que ce soit des accidents", a déclaré Me Randall Schwerdorffer. Il estime donc que "le procureur devrait faire preuve de plus de prudence" dans l'imputation des 24 cas d'empoisonnement à Frédéric Péchier. 

Le procureur, lui, va plus loin et parle d'un possible 25e cas d'empoisonnement par l'ex-anesthésiste. Celui-ci serait passé sous les radars des experts car le produit utilisé, de la mépivacaïne surdosé, serait différent de ceux utilisés auparavant. Jusqu'ici, Frédéric Péchier a toujours déclaré qu'il était innocent. 

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